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Je suis né en 1959, ici à Groix.
Tu es né à Groix ?
Oui, je suis né à Groix.
Et après je suis allé tard à l’école. J’avais 5 ans. À l’école des sœurs (à l’école privé). Je me souviens que les sœurs étaient habillées en blanc comme ça.
Et après je suis resté ici à l’école. J’avais 6, 7, 9, 10 ans et à 11 ans j’ai été à Lorient.
Parce qu’il n’y avait pas de collège à Groix dans ces années là. Pour faire la 6ième. J’ai fait le collège à Lorient. À Lorient, je partais pour la semaine ici, avec le bateau. Et je revenais le samedi à midi.
Je me souviens du bateau. Il était à midi et demi. Je restais un jour et demi à Groix. C’était difficile car j’étais tout petit. J’étais encore dans le giron de ma mère. Et je suis resté à l’école à Lorient.
J’ai fait la sixième, la cinquième, la quatrième et la troisième. Et la seconde. Et après j’ai arrêté. Bon, je suis resté à l’école à Lorient. Et après, quand j’ai arrêté, je n’ai pas fait de grandes écoles. Après la seconde, j’ai fait encore deux ans, ce n’était pas terminé.
Après dans les années 1970, j’ai été faire le service militaire. J’ai été dans un premier temps jusqu’à Angoulême. Et après, j’ai été jusqu’à Toulouse. Je suis retourné à Angoulême. Je suis descendu près de Toulouse, dans le Gers. À Hoche. Et j’y ai été 12 mois.
Et j’ai été ici à Groix. Je suis resté sans travailler, je dirais, un an, deux ans, sans travail. Je faisais des petits boulots comme ça, mais pas plus. Sur la grande terre (le continent) ? Non, ici à Groix. Et après, j’ai trouvé le travail au musée en 1982. Et voilà. Bah oui, je suis né ici. Qu’est-ce que je pourrais te dire de plus. Quand j’étais petit, je n’ai pas beaucoup entendu parler breton. Quelques fois à la maison. J’habitais alors à Saint-Sauveur, au milieu de l’île. J’étais petit et tous les jours, une vieille tante venait à la maison de mes parents. Comment… Pour regarder le téléviseur. Elle restait jusqu’à 21h30, 22h. Et je me souviens qu’elle parlait parfois breton à mon père. Je ne comprenais rien. Et ma mère disait, va t’habiller et va dormir, il est 21h30, tu as école. Voilà, j’entendais des choses comme ça. Mais pas plus. Je me souviens, une fois, je suis allée à la maison d’une tante qui allait toujours à l’église. Des gens qui étaient… Et tous les dimanches ils me disaient « viens avec nous ». Je me souviens mais c’est lointain. Ils trouvaient une femme sur la route comme ça et parlaient breton tous les deux quoi. Je n’étais pas étonné. J’entendais comme ça. J’ai commencé le breton quand j’étais plus vieux. J’étais plus vieux que toi. Et voilà. J’ai entendu beaucoup de mots en breton ici à Groix. Et qui sont restés, comme je te l’ai dit, beaucoup dans le français. Pourquoi as-tu commencé à parler breton ? Surtout quand j’ai trouvé le travail au musée. Au musée déjà, il y a de l’histoire. J’ai commencé à chercher des mots que l’on trouvait mélangés au français comme ça. J’aimais en savoir plus. Et j’ai commencé à écrire et à mettre tout ça sur papier. Des papiers… bah ceux que tu as vu. Et après je me suis dis pourquoi pas aller plus loin. Connaitre la langue. Ah bah oui, mais ce n’était pas facile. Il n’y avait plus personne qui parlait breton à Groix. J’avais, qu’est-ce que j’avais fait… j’avais demandé à mon père. Mon père m’avait dit « je comprends très bien mais je ne peux pas parler ». Mais toujours, papa m’aidait beaucoup. Avec ma grand-mère aussi et avec d’autres gens que j’ai connu, avec la vieille femme dont je t’ai parlé toute à l’heure. Et voilà, et à force, à force, à force. J’avais demandé à Jo mais « il n’y pas un livre ? » J’avais acheté, je me souviens, un petit livre comme ça. Pas très épais comme ça. Du breton vannetais. J’ai commencé à apprendre avec ça aussi. J’amenais ce livre à la maison de ma grand-mère et elle lisait un peu. Et à force, à force, à force. Quand j’ai entendu qu’il y avait des gens qui parlaient breton à Groix j’y suis parvenu. À force, à force, à force. Le commencement était difficile. Quand on entend la langue tous les jours, ça va, c’est facile. Mais ce n’était pas le cas. Déjà tu verra le travail qu’a fait Elmar Ternes () dans les années 1966,67. Déjà, il n’y avait plus beaucoup de breton chez les gens. Quand tu entends ce qui a été enregistré. Tu vois des gens qui parlent bien breton. Mais souvent le français revient.
Oui, tu vois avec des mots comme « bien sûr ». Le français était déjà à Groix. Voilà. Il faut dire la vérité. Et voilà, j’ai fait comme Jo, Jo aussi. J’avais toujours ce plaisir-là. Je connais pleins de gens ici de mon âge qui ne connaissent pas un mot de breton. Un mot comme ça mais pas plus. J’ai fait comme ça, j’ai fait comme ça… Si j’avais trouvé un travail dans un autre endroit, peut-être que je n’aurais jamais fait comme ça. Si j’avais été travailler, je ne sais pas, si j’avais fait un travail dans les champs, ou un travail dans le bâtiment, fait un travail dur ou aller en mer, pêcheur…
J’aurais dit « le breton, pour faire quoi avec ça, j’ai déjà beaucoup de choses à faire ici ». Voilà ce que j’ai fait ? Maintenant il faut « faire ». Et vous êtes là pour cette chose là. Tu as compris ? Oui.
Quoi d’autre… Bon, quand j’étais petit, qu’est ce que je faisais… J’adorais aller pêcher. J’avais déjà 13 ou 14 ans. Quand j’étais petit, je n’étais pas habitué à aller pêcher. Mon père était marin-pêcheur mais lui faisait la grosse pêche quoi. Il ne savait pas faire un nœud sur … Faire tout un tas de choses pour .. les sardines ou faire des choses qui étaient faites sur les bateaux qui faisait de la grosse pêche, c’était facile pour lui. Quand j’étais à l’école sur la grande-terre, quand je revenais ici le vendredi ou le samedi.
Nous allions pêcher comme ça avec des lignes pour attraper des poissons, des congres quoi… Je ne suis pas bon pour cette chose-là. C’est toujours un plaisir, voilà. Peut-être que j’aurais pu faire ce métier là. Mon père me disait « ne fais pas ça, c’est trop difficile, trop dur. Fais ce que tu veux mais ne fais pas le métier de marin-pêcheur ». Voilà. Et peut-être que j’ai mis ça dans un coin de ma tête, dans mon esprit. Je n’ai pas fait ce métier là. Mais c’est un métier comme ça. Je connais un tas de gens de mon âge qui ont fait ce métier là. Et qui vivaient et qui vivent encore de ça. Pour ramener de l’argent à la maison. Voilà.
Et après je suis allé courir après les filles. Comme tout le monde. Je ne parlais pas breton. Un beau français était avec moi. Mais j’ai connu des filles qui parlaient bien breton. J’étais jeune.
Ah oui, ici à Groix ? Oui, elles parlaient bien. Ah mais non. La vie sur l’île comme ça… Ce n’est pas facile ? Ce n’est pas la même chose que sur le continent. C’est bien quand même. Voilà, qu’est ce que je pourrais te dire de plus…
Demande-moi…Quand je suis allé pêcher en mer. J’avais 14 ou 15 ans. Je ne me souviens plus en quelle année c’était. Avec un ami, un ami à moi. Nous sommes allés sur le port, ici, sur le port quoi pour attraper des congres. Tu sais ce que c’est un congre ? Une pièce de poisson ! Et nous voilà arriver au mois, c’était au mois d’août. Je suis allé à côté du phare vert. J’avais une ligne comme ça, un bout de bois… après. En voilà une. Une pièce de poisson ! Douze kilos. Le poisson était plus long que la porte. J’ai mis ça à cuire. J’ai ramener le poisson après. Ce n’était pas possible de dormir après. J’avais 14 ou 15 ans. Des choses comme ça. Il y a un tas de choses à dore. J’ai eu une vie comme les autres.
Et tu as appris à faire le kouign-pod avec ton père ? Avec mon père. Quand j’habitais…Ou le gwastell aussi ? Ah non, pas le gwastell, j’ai appris après. J’ai appris avec mon père quand j’étais à la maison. Parfois, il fait un kouign-pod comme ça. Je l’ai souvent vu. Il faisait ça sur la table comme cela. Je m’asseyais dans le coin de la table comme je suis maintenant en le regardant. Il mettait de la farine, un œuf, de la crème. Dans un bol comme ça. Bien, moi je regardais. Il aplatissait le tout sur la table et après, il mettait le « sucre jaune » (vergeoise), du beurre. Il faut bien le fermer. Et mettre tout ça dans un torchon et mettre dans l’eau chaude … c’était bon ! Et je regardais. Je le regardais tous les jours. Et un jour, il était en mer. J’étais un peu plus vieux. Et j’ai dit à ma mère « je vais faire un kouign-pod » « mais, tu ne sais pas faire le kouign-pod », « mais si, j’ai vu papa le faire. Je vais en faire un ». « ah bah fais, fais ». J’en ai fait un qui était bon. Et après j’ai pris l’habitude. Et j’en ai fait… pas tous les jours hein… je serais gros comme une vache… tous les jours… dam oui, dam oui, toui. Mais le gwastell après. Il n’y a pas très longtemps. J’ai demandé aux gens, j’ai lu… Ah bah tiens, le livre, « Mélanie, ( ur vuhe e Groay) ». Il est resté sur la grande terre ? Oui. Dedans il est écrit comment on fait le gwastell et le far. Il y a eu des choses… C’est une femme qui a fait cette chose là. Per Denez a…dirigé ce travail. Il faudrait savoir ce qui est arrivé à ce qui a été enregistré dans un lieu à Groix… sur la grande terre. Mélanie était une vieille femme née en 1905, oui. Je l’ai connu. Ah bah tiens, j’ai appris le breton avec elle aussi. Une fois, j’ai dit ça sur le DVD ( « Je suis né au milieu de la mer », lien pour le visionné en barre d’infos). Il n’y avait que moi et Jo Le Port dans la maison de Mélanie. À 6h, je dirais du soir mais c’était la fin d’après-midi. Et Jo avait apporté quelque chose pour enregistrer la femme. Lui parlait déjà breton mais moi… ce n’était pas bon. Et nous voilà arrivés à la maison de Mélanie. Et voilà que ça parle breton autour de la table comme ça. Elle parlait breton avec Jo mais j’entendais des petites choses comme ça. Il était 18h et la femme était déjà vieille. Nous sommes restés jusqu’à minuit. Et elle avait mit de la viande sur la table, du pain, du café, du vin rouge… Je ne me souviens plus ce qu’il y avait. Mais Jo à cette chose-là chez lui. Mais moi… Je ne disais mot. Je ne disais mot. Et après quand ce fut terminé, Mélanie disait « José ici, il n’a pas dit un mot, il n’a pas dit un mot. Faites. » Je ne savais pas parler quoi. Mais Jo se souvient de cette chose là. Nous sommes restés jusqu’à… oui, il était bien minuit. Nous avions mangé et parlé breton. À moitié en français et à moitié en breton. Je m’en souviendrai mais en quelle année c’était… ? Je venais juste de commencer à travailler au musée quoi, en 83, oui. Quand j’ai croché d’dans. C’était une femme bien. Elle avait un esprit jeune. Elle était un peu aveugle mais elle entendait extrêmement bien. Quand on parlait avec elle c’était top quoi. Et elle avait un plaisir. Je lui disais après, quand j’allais la voir comme ça. Je disais en français « je ne vous dérange pas ? On ne dérange pas ici, entre ». C’était une femme bien.
Il y a eu des souvenirs. Il y a eu la fête pour Jean-Pierre Calloc’h en 1988. Il y a eu une grande fête à travers le pays. Il y a eu des choses à l’église dites en breton. Pierre Guillemot avait chanté en breton, dit des choses en breton. Il y a eu d’autres personnes qui ont dit des choses en breton aussi. Voilà. Après… Des cantiques chantés… Maintenant il n’y en a plus. Mais Pierre Guillemot, j’ai bien connu cet homme là. Il est allé jusqu’à 100 ans ! C’était un homme bien. Il habitait un peu plus loin, dans le village du Méné ici. Parfois je suis allé le voir comme ça. « Viens ici boire un coup ». On parlait breton tous les deux. Mais pas souvent. Jo Bidoc, il y en avait un autre aussi. Fidèle Tonnerre était un peu plus vieux. L’homme parlait bien. Il se souvenait de tout un tas de choses. Ce que j’ai collecté qui est écrit dans mon cahier. Un tas de choses que j’ai entendu de lui.
Un homme qui était… Un homme qui était intelligent. Il avait déjà un français… Beau ? Oui un beau français. Et il se souvenait de pleins de choses. Je vais te dire, une fois… Je ne me souviens plus où c’était. À Kerlard, de l’autre côté de l’île. Du côté ouest. Il y avait deux hommes au milieu de village en train de parler. Il y en a un qui a demandé à l’autre « tu as vu untel et untel (le nom de quelqu’un quoi) Oui, oui, je l’ai vu. Il a été pêché ? Oui, oui, il était à la côté toute à l’heure. Et l’autre dit « il a pêché ? « L’autre « je ne sais pas ». Il avait des poissons avec lui ? Mais je ne sais pas… mais je crois qu’il avait des poissons avec lui parce que je l’ai vu monté la côté et il avait la langue dans le coin de la bouche comme une vache qui donne du bon lait ». Je le dis en français…
Avec Fidèle, j’ai entendu un tas de choses. Il disait en breton « get raden ne po ket rezin », les chiens ne font pas des chats, avec de la fougère vous n’aurez pas du raisin.Mais tu as lu. Oui oui oui. J’ai écrit toutes ces choses là…
On faisait des crêpes à Groix ? Oui mais… comment… Quand j’étais petit, des crêpes au sucre. Je n’ai jamais vu faire les gens des crêpes avec du seigle ou du blé noir. Peut-être avant. Avant on faisait comme ça mais quand j’ai goûter pour la première fois des crêpes faites avec de la farine de blé noir ou du seigle ou toute sorte de choses. J’ai goûté cela pour la première fois sur le continent et après avec des gens qui ont fait ça à Groix. Ce que j’ai vu, c’est ma mère faire ça sur la poêle rapidement avec du beurre, une crêpe avec de la farine quoi et du sucre après. Mais avant peut-être qu’on faisait ça, je ne sais pas. Il y avait des crêpes, du far, on faisait du pain aussi. Du pain parce qu’il y avait des fours. Il y avait des fours, pas dans tous les villages mais il y avait des fours toujours. Les gens faisaient du pain pour la semaine. Une pièce de pain était faite pour… comment… pour les gens qui restait dans la maison quoi. Il y avait du blé, il y avait toute sorte de choses ici.
Et on amenait ça au moulin. À moudre. Et il y avait… Il y eu a eu jusque cinq ici à Groix… Cinq, je dis des bêtises… Dix, il y en avait cinq à l’ouest et cinq à l’est. Mais ils ne marchaient pas au même moment. Mais il n’y a plus personne maintenant qui sait comment les faire marcher. Mais je l’ai entendu avec des vieux. Oui oui oui. Tu amenais cela au moulin pour en faire de la farine. Et les gens faisaient leur pain à la maison, amenaient ça au four pour le cuire. Il y avait une femme qui s’occupait du four. Les gens disaient la « fourniourez ». Et les gens l’amenait et allaient chercher leurs pains. J’ai entendu que les gens amenaient avec eux quelque chose pour faire du feu, de l’ajonc ou du genêt ou des bouses de vaches au bois quoi pour chauffer, pour chauffer le four et ils payaient comme cela. Peut-être qu’on donnait un sou ou de l’argent. Je ne sais pas, je n’ai pas connu.
Mon père qui est né en 1931. Il était petit et il se souvenait du four. Déjà… Il se souvenait du four qui était jusqu’à Pen-Men de ce côté là, à Kerloret. Il se souvenait qu’une fois. Il était allé… comme dire cela… faire du pain quoi, avec sa mère. Les gens avaient peur à la maison. Peut-être parce que c’était avant la guerre ou voilà… Et voilà le pain chaud, chaud comme ça. Ma grand-mère qui avait amené sa brouette avec son pain… de Kerloret jusqu’à Kerlard. Ce n’est pas loin. Mon père et son frère étaient en train de manger le pain chaud comme ça, chaud, c’était bon. Maintenant, tu as un morceau de pain, c’est un morceau de pain quoi. C’est dur, hop dehors au fond. Il y a avait des fours comme ça. Pas dans tous les villages tout de même mais je n’ai pas connu cela. Et les gens faisaient leur pain pour la semaine et la semaine d’après, à nouveau.
Ces fours là servaient aussi à faire… comment, à cuire des gâteaux, des fars. Quand il y avait des fêtes. Ils n’étaient pas seulement pour le pain. Et il y avait des vaches ici à Groix. Avant, je n’ai pas beaucoup connu ça mais j’ai entendu que dans chaque maison il y avait deux ou trois vaches. Les gens avaient de la crème et faisaient du beurre avec ça. On faisait du cidre aussi, du vin aussi après. J’ai entendu aussi que toutes ces choses on pouvait les trouvaient dans les marchands, chez « l’épicière d’alcool ». L’anisette et les femmes buvaient cela. Dans Ternes, si tu as bien écouté il y a des gens qui étaient en train de travailler. Et il y a une femme et un homme comme cela. « Tu aimerais une anisette mémé Jeannette ? » alors une anisette » Et un autre « tu en aimerais une autre ? » et deux « une autre ? » « ah non, c’est assez comme ça! J’en ai eu deux, c’est assez ». Des choses comme ça oui. Il y a eu du cidre, du vin rouge avec les hommes mais je n’en sais pas plus. Je ne veux pas dire des bêtises. Quoi dire de plus. J’ai fait le tour. Bah quelle heure est il ? 18H, bon c’est bon.