Grammaire structurale du breton de l’île de Groix. Elmar Ternes .
PPN : 052434621
Le breton groisillon appartient au dialecte vannetais , plus exactement au bas-vannetais (partie occidentale du vannetais). D’autre part l’île de Groix est situé tout près de la limite entre le vannetais et le cornouaillais, limite courant du nord au sud et atteignant la côté à l’embouchure de l’Ellé. Cette situation frontalière de l’île se reflète dans les faits linguistiques (cf. les traits linguistiques qui séparent le vannetais et le K.L.T.) :
a) présence d’un fort accent secondaire sur des syllabes non-finales.
b) coexistence de formes avec x et de formes avec s, z prevant th brittonique (…).
Le dialecte groisillon montre quelques traits extrêmement archaïques dans l’inventaire phonémique (p.ex. conservation de la diphtongue ae, conservation de la semi-voyelle w).
D’une façon générale le breton groisillon occupe une position linguistique assez isolée. Les dialectes bretons de la côte continentale opposée à Groix sont si différents que la communication entre les bretonnants de Groix et ceux de la zone côtière en face de Groix est, sinon impossible, tout au moins soumise à quelques difficultés. La compréhension mutuelle entre le Groisillon et les dialectes vannetais non-côtiers est complètement impossible.
La situation du breton à Groix :
Les personnes nées après la première guerre mondiale (c-a-d. âgées de moins de 50 ans du moment de notre séjour à Groix) ne connaissent généralement que quelques bribes de breton qu’elles ont apprises par hasard? Elles ne savent ni tenir ni même suivre une conversation en breton. Les personnes qui sont nées après 1900 (c-a-d. âgées de 50 à 65 ans du moment de notre séjour) comprennent généralement bien le breton. Beaucoup d’entre elles savent s’exprimer en breton, en se servant néanmoins d’un vocabulaire assez réduit et d’une grammaire parfois fautive. On trouve pourtant quelques-unes parmi ce groupe qui ont encore une connaissance parfaite du breton.
Les personnes nées avant 1900 (c-a-d. âgées de plus de 65 -70 ans du moment de notre séjour) ont généralement une connaissance parfaite et une pratique sûre du breton.
On trouve plus de bretonnants dans les villages de la partie occidentale de l’île qu’au bourg ou dans la partie orientale.
Un très petit nombre de personnes (généralement des femmes) sait lire le breton d’orthographe vannetaise. Nous avons évité d’utiliser ces personnes d’informant parce qu’elles ont tendance à mêler des formes écrites au breton autochtone.
Les bretonnants de Groix sont convaincus que leur langue maternelle est sans valeur. (Il en va de même des mœurs bretonnes, qu’ils ont abandonnées, des costumes bretons qu’ils ont brûlés, du vieux mobilier qu’ils ont rejeté ou brûlé parce qu’ils en ignoraient même la valeur d’amateur sur le marché d’antiquités!)
Les enfants qui ne comprennent pas le breton se moquent de leurs parents bretonnants. Quand deux personnes âgées sont en train de s’entretenir en breton (ce qui arrive de plus en plus rarement), elles se mettent à parler français aussitôt qu’elles aperçoivent un étranger à portée d’oreille.
L’écomusée de Groix. Quéniart Jean.
ISSN: 0399-0826
» L’acquisition du langage
Dès le début du XIX siècle, certaines zones de l’île subissent des influences étrangères » : le gallo, forme de langue romane établie quand l’église passe sous obédience tourangelle, est parlé à Crohet. Il semble qu’il faille mettre ce phénomène en relation avec la présence des sœurs du Saint-Esprit qui viennent du Léon pour porter assistance aux pauvres et qui sont armées d’éducation latine : leur installation à Locmaria fera que Primeture sera francisée plus vite que Piwisi. D’où, par osmose, la présence de mots gallos remplaçant des mots bretons à Groix.
Les progrès de la pratique du français sur l’île sont parallèles à l’enseignement opéré par les prêtres : en 1902, on nomme un recteur qui ne parle pas breton, le catéchisme est en français, le rôle de l’enseignement religieux est donc très important dans la perte du breton. »
Hatoup, le breton maritime de Groix. Collecté par Jean-Pierre Calloc’h en mer. Complété par des locuteurs groisillons, l’Abbé Guillemot, Camille Paulichet et Joseph Bidoc, Fernand Le Grel et Fidèle Tonnerre.
Jean-Pierre Calloch déplorait à son époque la désaffection de ses jeunes compatriotes à l’égard du breton. Que dirait-il s’il revenait ? On entend dire parfois que
« Le breton groisillon n’est pas le vrai breton, c’est un patois ». « Mâtiche ! Un patois parlé et écrit par un des plus grands écrivains bretons ! Excusez du peu ! Le breton de Groix reste en effet marqué par l’influence pourleth.
Pourquoi ? Eh bien parce que Groix jusqu’à la Révolution française était la propriété de la famille des ducs de Rohan-Guéméné et elle était restée marquée par l’apport de la population pourleth, la population de la région de Guéméné-sur-Scorff. A la pêche au thon, il y avait un mot que l’on avait plaisir à entendre et à crier, c’était le mot « Béh » qui veut dire « effort » et qu’on lançait quand les thons s’accrochaient à l’hameçon, quand ça « chtagnait ».
Aujourd’hui où peut-on entendre le breton groisillon ? « dans le français groisillon ! le français groisillon avec toute sa saveur l’aide encore à survivre. On peut même dire que le breton groisillon s’est vengé en parsemant d’expressions bretonnes le français groisillon ! »-Chouk ezaï ( Assois-toi là) -Me vela chalpé ( Me voilà interdit, coi). Et l’on pourrait continuer. Alors ne le laissons pas mourir.
ISBN : 2912619109
(…) Le parler groisillon.
(…) le parler populaire de l’île au 20ème siècle. C’est un parler français enrichi de multiples expressions venant du breton groisillon utilisé par la population avant et après 1900.
Groix, l’île des thoniers, chronique maritime d’une île bretonne. Duviard Dominique.
ISBN : 2-86469-066-7
La population.
(…) Tous parlent le breton, qui est l’ancienne langue celtique. Tous savent cependant le français, qu’ils ont appris au service de l’État et dans les ports qu’ils fréquentent, mais ils se servent de préférence de l’idiome maternel dans leur intérieur. Quant aux femmes, qui ont gardé tous leurs préjugés et toutes leurs croyances au surnaturel, elles affectent en général, d’ignorer complètement la langue française, qu’on leur apprend à l’école et qu’elles ne parlent qu’avec la plus grande répugnance.
Dr Lejanne, 1885.
Groix, mon île. Groe, ma enezenn. Ange Yvon.
ISBN : 978-2-916835-48-8
» D’autres ont publié des ouvrages savants sur le breton de Groix. Telle n’est pas mon ambition. Les mots qui se trouvent dans ce petit lexique me viennent de ma mère et de ma grand-mère.
À Groix, au débuts du XXème siècle, le breton était encore parlé sous la forme vannetaise. Lorsque le français a pris le pas sur la langue bretonne, des mots et des expressions se sont introduits dans le langage parlé. La génération d’après- guerre n’a pas ou très peu connu le breton mais a continué jusque dans les années 1980 à utiliser des expressions apprises par ses parents.
Il était intéressant de rappeler ce parler de Groix qui est aujourd’hui en très nette perdition. Puisse-t-il montrer que l’avenir du breton de Groix appartient à la jeune génération. »
Au cœur du renouveau culturel breton : Le cercle celtique Jean-Pierre Calloc’h de l’île de Groix (1953-1964). Hatoup, Mémoires de l’île de Groix n°3, 2014.
ISBN : 978-2-916688-06-0
» Les cours de chant en breton, l’étude du breton, et le soutien des milieux religieux à la culture bretonne.
Le chant en breton (dès 1954)
Le chant en breton (mais aussi en français pour certaines chansons bretonnes) semblerait avoir précédé (de peu) la danse au cercle de Groix (…)
Dans le domaine de l’étude du breton et surtout du chant en breton, le cercle de Groix a profité, comme beaucoup de jeune autrefois, du soutien de certains des nombreux prêtres qui agissaient activement pour le maintien et le renouveau de la culture bretonne.
Les cours réguliers avec l’abbé Baron
Habituellement les cours de chant étaient donnés au cercle (…)
Les filles du cercle commencèrent ainsi par apprendre le fameux Me zo gañnet de Jean-Pierre Calloch (« je suis né au milieu de la mer »), la chanson des Trois matins de Groix en français, et diverses chansons bretonnes, comme En teir seien (les trois rubans), chanson d’une femme dont le mari a fait naufrage loin des côtes d’Arvor. Elles chantèrent cependant moins souvent Er voraerion (« Les Marins »), de Jean-Pierre Calloch, en raison des difficultés de prononciation. »